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Dépression. par Patricia Laranco

Dépression.

Voyez-vous...j'en ai vraiment marre d'en avoir marre. Eh oui, je suis fatiguée d'être fatiguée ! La fatigue, elle, ne se fatigue jamais. Seule, comme dirait l'autre, l'usure ne s'use pas.
Je capitule et, dépitée, je me laisse décapiter.
Je capote, il n'y a plus rien sous mon capot. Ni dans ma cahute où, chahutée, je cahote, j'hoquète, sérieux, sans cabotinage.
Où est le cap ? Où est la poupe ?
Où est la coupe ? Où est la lie ?
Où sont la lie de vin et la ligne de vie ?
En attendant, j'écope et, en grillant des clopes, j'ouïs les clapotis de la pluie qui plait, qui jouit, j'écoute les cloportes colporter des bruits. Je ferme mon clapet, reste dans mon clapier, écoutant copuler les couples de voisins, mégots dans la coupelle.
Voyez-vous, j'en ai ma claque de clabauder "haro sur le baudet" dans le vide qui me claquemure, me plaque au mur.
Sous le choc, ma peau se transforme en champ de cloques, et tant pis pour la coquetterie, je m'en fous.
Dedans ma coque de noix je me suis noyée, dans ma coquille d'oeuf où je forme des noeuds , des nodosité à en avoir plein sa dose, je me morfonds; mortifiée, je me morfonds à fond dans le formol, formel, je le formule, c'est vrai, dit : j'ai morflé. Maintenant, je suis amorphe.
Et si mes cloques ont des allures de cloaques, c'est pour mieux cracher leur pus, car je n'en peux plus, car je ne peux plus que peu, que pire que peu ou prou - pire que pet ou prout.
Paumée, je n'en peux mais, pourtant je me promets d'aller me promener là où le poème est le poème à aimer c'est là qu'est ma patrie là où les pâtres rient là où le peintre étreint juste avant de se couper l'oreille au rasoir.
Paumée, voilà, pas de pommes pour moi, paumée : même les rasoirs n'éloignent plus les raseurs. Même les mouches à merde déclarent forfait et reculent enculées par les mouches du coche !
Les amochés les moches, les faux méchants et les authentiques fauchés se font moucher, botter les miches par les mouchards !
Tant pis s'ils sont fâchés, les fachistes les fichent. Quand même, cela fait tâche.
Bref, j'ai autant le cafard que les cancrelats, que les cancres à chancres, les cafres esclavagisés, les millions de cabris évangélisés, les trillards d'amateurs de café calfeutrés dans le feutre, à mater, les innombrables cas de cafteurs captant mal. En ayant le cafard, je le sais, je fais fort et puis j'ai fort à faire et aussi je fais fuir le commun des mortels le mortel du commun qui m'envoie balader dans la forêt prochaine. Me voici entourée de chènes déchaînés, de bouleaux sans boulot, de troènes qui trônent, de banyans bannis, de papayers pillés, de peupliers pliés, de lianes liées, de baobabs à babouins, d'oiseleurs noisetiers, de fougères figées, de cactées où caquètent les cacatoès, de saules esseulés, d'ajoncs d'âge certain, de ronciers rompus-sciés, de manguiers qui mangent, de mimosas qui miment, de bambous bambocheurs en pleine bamboula, de tamariniers qui nient mais en tamoul, de filaos qui filent de plus en plus là-haut, de lichens qui lèchent, lâches, d'aloès tahitiens qui vous disent "aloa", de mosaïques d'humus qu'on ne peut qu'humer...et ainsi de suite et tout-ci et tout-ça; quelque chose toussa : "cessez de tout toucher !".
Ah, chercher son chemin hors de la cheminée vers les chimères chimiques si il le faut !
Mais que faut-il au fautif,  à l'en-porte-à-faux, même porteur de faux, de fer, il est en enfer ! Ses faux frères l'y ont très vite expédié...qu'il n'y vive plus que d'expédients, ils s'en moquent !
"Marre de l'êtrounepazêtre", je me dis, oui, mais zut, je me dis, tu me dis, ça me dit, Samedi, ça maudit et ça modifie tout.
J'ai ma claque des trous qui font tourner le monde autour d'eux comme si le monde n'avait que ça à faire !
Il parait que je suis sortie d'un trou pour vivre. Un trou, oui, un vilain trou qui m'a expulsée; le salaud, il n'avait pas même besoin d'un charter !
Au fond, au bas mot, nous sommes tous des expulsés. Nous sommes tous le résultat d'une expulsion, d'une expectoration, un peu comme les crachats. C'est pour ça qu'on exhale tous ce parfum d'exil.
Marre de tout. Des trous. Des tours. D'être de trop.
D'être trop de trop peu. D'être de peu de poids. D'être de peu de foi.
D'être de peu de peau. D'être peau de crapaud.
Peau d'âne. Peau d'âme, d'écume. Peau de lézard lésé. De léopard qui part.
Pet du hasard. Erreur.
Errent-heures. Pleurs qui sourient.
Fleur qui pourrit...pour rire.

Et j'en veux au trop tôt
Et j'en veux au trop tard,
"qu'est-ce qui te trotte donc en tête?" trompettes-tu.

Mais tu ne le sauras
jamais
et moi non plus
car à tout coup ce serait trop tard ou trop tôt.
J'ai toujours fait les choses sens dessous-dessus
délibérément contre l'endroit et l'envers
ces deux-là, je les ai renvoyés dos à dos
cul à cul, trou à trou,
fesse à fesse, fosse à fosse
après quoi je les ai
laissés en tête à tête.

 

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Style : Poème | Par Patricia Laranco | Voir tous ses textes | Visite : 660

Coup de cœur : 9 / Technique : 8

Commentaires :

pseudo : ciloum

bonjour j'ai lu la fin puis le début de ton texte et je me disais qu'au service d'un autre sentiment que le ras-le-bol, cette suite d'idées et de figures de styles serait un pur plaisir. Quoiqu'il en soit félicitations pour le style!

pseudo : iloa

Cdc...assurément !