Quand je t’ai croisé dans la virtualité,
Tu as dégueulé toute ta sensibilité,
A ma face d’intellectuel demeuré.
Puis évidemment tu t’es barrée,
Sous d’autres horizons étoilés,
Ceux du bonheur non mérité.
Quand tu souris à tous ces affamés,
En quête de sexe ou de bougainvilliers,
Sans te forcer tu plais avec gaieté.
C’est aussi cela le monde et sa légèreté.

Dans ton appart de la rue des Batignolles,
Avec son salon et sa grande salle à manger,
De son balcon aux herbes folles,
Tu observes la jeunesse décalquée.
On se croirait dans la rue Mésancolie,
Cette rue aux lampadaires dégénérés,
Dans laquelle les passants débitent la nausée
D’un monde sans poésie.
Dieu merci, le bar d’à côté est sympa,
Cà ne vaut ni Régine ni le Queen,
Mais on y siffle despés et vodkas,
Et on discute avec la mère Jeannine.

Crois-tu Julie aux étoiles de la jeunesse,
Celles qui divaguent sans résistance ?
Te souviens-tu des ombres de la dissidence,
Quand nous nous perdions dans la démence ?
Et que penses-tu de moi, ce drôle de lascar,
Au comportement quelque peu ringard ?
Dis-moi ma Julie si tu adhères au constat certain,
Que les hommes s’engluent dans un triste destin ?

Tu sais bien que tout ce que tu vois
T’appartiens si tu le souhaites,
Tu sais bien que tu peux tout avoir,
Et pourtant tu m’avoues dans le noir :
« Tu vois ma vie elle est sympa,
et pourtant cela n’est jamais suffisant ».
Bon sang !

Vois-tu Julie les bryophytes humides de cette vallée
A l’éclairage tamisé par la canopée ?
C’est comme la libération des sens,
Une forme accomplie de jouissance.
Le bonheur c’est un peu cela,
Un brin d’émotion qui s’en va,
Puis qui revient dès que nos sens se réveillent,
Et nous rappelle toutes les merveilles,
De cette terre dont l’occident brise la sensibilité,
De cette terre si abîmée.

Tu sais bien que tout ce que tu vois
T’appartiens si tu le souhaites
Tu sais bien que tu peux tout avoir,
Et pourtant tu m’avoues dans le noir :
« Tu vois ma vie elle est sympa,
et pourtant cela n’est jamais suffisant ».
Bon sang !

Car si le bonheur est invisible,
Les hommes deviennent risibles,
Et se terrent dans l’ennui et la cocaïne,
Oubliant leurs ballerines enfantines.
Je préfère miser ma vie sur l’émotion,
Celle d’une image, d’un regard, d’un frisson, d’un son, d’une parole, d’un rêve, d’une pensée, d’une douleur, d’une couleur, d’une rime, d’un sourire…
Pour le meilleur et pour le pire.
Et toi ma Julie, ne me dis pas hébétée,
Dans ce monde aseptisé et falsifié,
« Tu vois ma vie elle est sympa,
et pourtant cela n’est jamais suffisant ».