Je dois vous l'avouer, j'ai un don : celui de m'envoler.

Que j'aime survoler les océans, suivre le courant des rivières et des fleuves. Frôler du bout de mes doigts ces nuages glacials chargés d'eau ou encore admirer tous ces gens grouillant comme de minuscules fourmis en ville.

Quelle sensation exceptionnelle que de pouvoir à tout moment sauter d'une falaise afin de prendre de l'élan et voir défiler sous ses yeux à toute vitesse les couleurs de la nature, qui revenait grossièrement à faire tourbillonner de la peinture aux multiples couleurs sur un même axe, c'est magnifique.

Mais il-y-a une chose que j'aime particulièrement, c'est le fait de pouvoir me poser dans des endroits que personne ne pourra jamais atteindre, des endroits tellement inaccessibles que je rendrais fou de rage les plus grands alpinistes. J'aime admirer des heures durant l'horizon qui me cerne, changeant de ton au fils des heures perché du haut de ma tour, mat, et autres collines et montagnes.

Mes endroits préférés ? Le mont Kilimandjaro et sa vue imprenable sur l'Afrique, l'Arizona et son magnifique désert orangé, les temples Tibétains et leurs contrastes de couleur rivalisant avec la roche bleutée, New York et ses immeubles formant de gigantesques miroirs reflétant la lumière du soleil.

Depuis que j'appris l'existence de mon don, j'ai délaissé ma famille. Maintenant, ils vivent seuls et je n'ose pas revenir les voir, je suis tétanisé par leur réaction probable, j'ai peur qu'il ne m'accepte pas comme je suis. Pourtant mon fils me manque, ma femme aussi mais je suis certain que tout va bien pour eux, qu'ils s'en sortent très bien, et qu'il n'y a aucunes raisons d'avoir peur pour l'avenir.

Mais il y avait encore bien pire que cette pensée, quelque chose que je redoutais chaque jour en allant me coucher après une journée pleine d'action et de fascination.

En effet, en m'endormant du haut d'un arbre, du toit d'une maison, je retournais à mon autre vie, à ma vraie vie : celle d'un homme sur son lit d'hôpital, incapable de se déplacer sans l'aide de son fauteuil, un homme pour qui chaque mouvement était une vraie lutte, un combat quotidien avec soit même.

Car oui, dans cette autre vie je suis handicapé. Vous comprendrez sûrement mieux pourquoi je suis effrayé à l'idée de revoir ma famille, j'ai peur de leur regard, comme du vôtre d'ailleurs. Ne me plaignez pas, n'ayez pas non plus pitié de moi, je vous en pris, regardez-moi comme votre égal.

Je ne suis pas un homme malheureux, même si je me surprends souvent à regarder les nuages à travers ma petite fenêtre d'hôpital, tout excité à l'idée de vivre ma prochaine aventure, quand j'irais me recoucher ce soir.