Elle écoute "Les Gymnopédies".

Le crépuscule lui est doux.

Les ombres familières qui baignent le vieil appartement sont pelucheuses.

Elle est penchée sur sa table de bois brun épais où s'élèvent, ici et là, de véritable tourelles, de véritables hérissements de livres et de papiers accumulés qui sentent la poussière.

Mais elle aime cette odeur. Comme elle aime que la gélatine sépia et parfaitement immobile du crépuscule fasse corps avec elle.

Ses gestes sont aussi circonspects et silencieux que ceux de son chat.

Après avoir écarté quelques enveloppes décachetées, elle s'installe à table. Attirant une feuille à elle, elle se met en devoir d'écrire à la lueur de la fenêtre toute proche une lettre qu'elle destine à un neveu qu'elle ne voit pratiquement jamais.

Le chat touffu qui a élu domicile au coin de la table avance son museau barré d'un triangle rose et installe furtivement sa tête grise sur la laine de son pull, juste au creux de son coude plié.

Elle sent son poids plumeux et a l'impression qu'il l'effleure à peine. Sa recherche de la laine ? Une douceur qui recherche une autre douceur.

La vieille sourit et le regarde avec attendrissement.

Tant pis si, désormais, elle ne peut quasiment plus bouger le bras, ni écrire.

Chaque soir, elle revit la plénitude de ce moment, qui l'extasie.