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La Belle Henriette par titmushu

La Belle Henriette

 

« Je m'appelle Heinrich Von Kleist et je vais mourir. Cette lettre est ma dernière. »

 Si un jour on m'avait demandé de décrire la Belle Henriette, je crois que c'est ces quelques lignes que j'aurais fait d'elle ; même si, croyez-moi, seuls les mots, aussi puissants peuvent-ils être, ne pourraient en faire une éloge suffisante.

 Henriette est de ce genre de femmes fortes qui ne laissent physiquement rien transparaitre. Avec une humilité presque indescente, elle m'avoue que les petits replis de peau au coin de ses yeux ne sont autres que la marque de l'âge et le signe d'une beauté éphémère. Mais du haut de ses vingt-huit ans, je devine les marques d'un passé douloureux, duquel elle a su puiser sa force intimidante d'aujourd'hui.

Si ses traits sont durcis par la misère qui lui a été donné de connaître, son sourire est infini. Là est la preuve ultime de son courage. Jamais je n'ai entendu de sa bouche mot exprimant la douleur ou le mal être. Et pourtant, quand elle lit mes quelques lignes, qui ne sont par essence même, qu'une apologie de l'absurdité de la vie, elle approuve. Elle le sait, je suis un poète tragique et ma réticense au bonheur repousse d'ailleurs bon nombre de « Romantiques ». Mais pas elle.

 Henriette est, à mes yeux, plus qu'une femme dont la beauté est légendaire et indescriptible, elle est une déesse romantique, une muse qui par sa seule présence, m'inspire plus que quiconque.

 Elle prend souvent plaisir à me répeter : « Comme l'appétit vient en mangeant, les idées viennent en parlant! ». Et ce sont nos interminables discussions au bord du lac Wannsee qui m'ont permis de mieux comprendre qui est la Belle Henriette.

La beauté qu'elle dégage fait que tout homme s'approchant d'elle pour en admirer la vénusté succombe à son charme. Et de ce fait, les femmes de la ville la prennent pour une envoûteuse. J'ai entendu il y a peu une vieille dame proposer à sa voisine de la brûler vive sur un bûcher, et qu'elle consumerait bien cette sorcière avec, à ses pieds et pour aviver la flamme, mes « monstrueux et révoltants » essais.

C'est peut-être ça qui nous a tant rapproché ma Belle Henriette et moi, l'incompréhension qu'ont les gens face à nous, parce que nous sommes différents et que nous ne possédons pas la même philosophie de la vie. Ou parce que nous avons eu le courage d'ôter nos masques et de se révéler au grand jour. Voilà pourquoi les autres nous regardent d'un mauvais oeil.

 Ma vie est une tragédie. Ma plume et mon encre crachent des larmes noires de douleur et je me noie peu à peu dans l'océan des interdits car un sentiment nouveau voit le jour dans mon coeur. Une émotion qui me fait peur et que je ne peux maîtriser. Un saisissement soudain, effrayant, innatendu que je m'étais juré de ne jamais rencontré.

Je suis en train de tomber amoureux. Et c'est pour cette raison que je ne peux continuer à vivre. Je ne peux m'y résoudre. Le bonheur m'est interdit. Je pars la retrouver, nous mourrons ensemble.

 Je m'appelle Heinrich Von Kleist et je vais mourir. Cette lettre est ma dernière. Je me retire au bord du lac Wannsee, rejoindre Henriette Vogel, celle qui m'a offert cette sublime impossibilité de vivre.

 

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Style : Nouvelle | Par titmushu | Voir tous ses textes | Visite : 604

Coup de cœur : 9 / Technique : 7

Commentaires :

pseudo : BAMBE

Un beau texte, j'ai beaucoup aimé. Coup de coeur

pseudo : titmushu

Merci, ça me fait très plaisir ce genre de commentaire car je m'y remet juste à l'écriture, j'avais abandonné depuis pas mal de temps et ça me fait vraiment chaud au coeur de savoir que mes textes plaisent =)