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Quinze ans... Déjà ! par MARQUES Gilbert

Quinze ans... Déjà !

 à ma femme et mes enfants

 

Tu me regardais du haut de tes seize ans, toi, l'enfant blonde, fille fleur dans ton écrin bleu. C'était il y a... quinze ans et je n'avais rien d'autre à t'offrir qu'un long silence né d'un passé sans enfance, sans rire. Je n'avais encore dans mon regard que des traces de mort me laissant vide et sans chagrin. Dans le tien, je lisais la folie de ton âge, l'envie de vivre et la rage de vaincre. Je ne connaissais rien de tout ça et vivais déjà au jour le jour.

 

Sans doute dans ton cœur existait-il déjà ce besoin d'aimer qui, quelques années plus tard, donna naissance à ces enfants dont ce fils auquel je n'avais jamais pensé auparavant. La fibre paternelle ne me tourmentait pas mais à l'évidence, j'étais père et je le reste à jamais.

Il a onze ans aujourd'hui et il sera demain cet adolescent que je n'ai jamais été. Il te ressemble et possède bien des choses que je n'avais pas, auxquelles je ne songeais même pas.

Sans que nous le voulions, le fossé entre lui et moi se creuse. Paradoxalement, il s'échappe mais je le sens plus proche. Peut-être parce qu'il devient... un homme. Nous nous aimons sans aucun doute mais sans oser nous l'avouer et peut-être lui refuse-t-il de le croire. A cet âge, on s'imagine toujours mal aimé et incompris. S'il savait cependant comme la complicité qui est la nôtre me fait du bien ! Je découvre au travers de lui l'enfant que j'aurais pu être si...

 

Sa sœur et lui, que savent-ils de nous ? Il faudrait leur poser la question mais sauraient-ils y répondre ? Je n'en suis pas si sûr pas plus qu'il y a quinze ans je n'envisageais cet avenir devenu mon présent, pas plus que je n'étais certain de te séduire. Croyant aux jeux de hasard, je me suis pris au piège de l'amour et tu m'as gardé prisonnier. Je ne me pose pas en victime, ce serait vain et inutile puisque je peux me croire heureux. Je vis ma vie, tout simplement, sans qu'il me semble avoir vieilli. Mieux même, je me sens plus jeune, plus gai, plus vrai. Je n'ai pas chassé mes vieux fantômes mais ils me laissent en paix avec moi-même. Cependant, pas davantage qu'autrefois je ne me suis intégré à ce présent cocon, carcan ou camisole que la société distribue généreusement.

 

Tu m'as ouvert de nouveaux horizons mais sans essayer de me transformer selon une image idéalisée. Tu respectes mes silences. Aucune importance si je ne te dévoile pas tout puisque les moments de passion demeurent aussi intenses qu'avant même si le sentiment, plus quotidien, se partage en quatre.

 

Petite famille que je découvre chaque jour sans parvenir à m'y habituer et surtout à réaliser qu'elle est mienne. Micro société dans laquelle chacun existe à la fois pour lui et pour les autres sans que ce soit une obligation. Famille, vraie tout simplement, insensible à l'usure du temps !

 

Tu es toujours aussi blonde mais des rides rieuses soulignent maintenant ton regard moqueur. Mes cheveux blanchissent quelque peu. Inconscients, les enfants grandissent. Ainsi va la vie et s'écoulent les ans.

 

Qui aurait cru, il y a quinze ans, que cette rencontre fortuite entre deux adolescents deviendrait aujourd'hui une union pubertaire ?

 

Nouvelle tirée du recueil Du blues à l’âme

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Style : Réflexion | Par MARQUES Gilbert | Voir tous ses textes | Visite : 577

Coup de cœur : 12 / Technique : 11

Commentaires :

pseudo : BAMBE

Un texte qui glisse comme la réalité qu'il porte en lui, j'aime l'idée si forte et parlante de ce quotidien coupé en 4, comme les jours de doute, comme ces nuits d'insomnie où la pensée se démultiplie, comme la vie qui nous emporte. Bravo et coup de coeur.

pseudo : Iloa

Ce sont de belles paroles dites avec beaucoup de douceur. CDC...