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Un rêve par Patricia Laranco

Un rêve

J’étais bien, dans mes rêves. Dans le fond du puits de sommeil. Le monde extérieur ne venait pas me déloger.

Je vivais ; je dérobais au monde des choses intenses.

Des joies. Des peines. Des émois.

Qui possédaient un tel relief !

Qui vous remuaient, vous labouraient, de façon tellement insistante, faste !

 

Je me contentais donc de nager. Dans l’intensité de mes perceptions. L’épaisseur des formes, des couleurs et des sons, leur extraordinaire présence avait le don de  me sidérer.

J’avais-enfin !-l’impression de participer à la marche du monde !

De me trouver pleinement incluse dans le déroulement de l’action.

Les conflits et les multiples rejets de la vie courante s’abolissaient.

J’évoluais dans un univers vraiment englobant, très compact, mais également, à sa manière, fluide, plein de lacis, plein de fuites, où les trottoirs, les rues déroulaient leurs méandres de glaise humide, puis se dissolvaient tout aussitôt, avec la promptitude de l’éclair, pour faire place à autre chose.

Le mouvement était perpétuel, mais il se mariait à merveille, sans aucun problème, avec l’impression de vigueur, de surprésence des sensations, des images, lesquelles s’imposaient. Plus réelles que le réel même. Obsédantes à force de poids, d’éclat, d’opacité brutale quoique néanmoins réconfortante.

Certes, j’étais un jouet, que le rêve ballottait à sa guise.

Le rêve, au fond, était une sorte de vague, de lame de fond qui me portait. Son atmosphère spongieuse était, aussi, comme je viens de le dire, une atmosphère mobile.

Je me demande ce qui le mouvait de la sorte. En tout cas, ce n’était pas le temps.

Pas le temps dont j’avais l’habitude.

Non, sa mobilité n’appartenait pas au temps-qui-passe normal.

C’était une mobilité qui échappait à tout ordre, tout contrôle.

Une mobilité qui suivait, tout bonnement, sa propre logique.

 

Ce matin-là, inutile de dire que je quittai le rêve de mauvaise grâce. Je mis beaucoup de temps à laisser refluer les vagues du sommeil.

Mon réveil, si interminable, si laborieux, si fangeux, s’accompagnait d’un authentique sentiment d’arrachement, de perte.

Ah, revenir au réel, quelle torture, quel pensum, quelle corvée !

C’est à toute force, traversée d’une quasi sensation de panique, que je voulais retenir mon songe, m’accrocher à sa masse, son bloc d’hyperprésence matricielle.

Je refusais le fait que ce que je venais de vivre – je dis bien, de VIVRE totalement, dans toute l’acception du terme- ne soit que songe, que part non intégrable à la véritable vie.

Au contraire, je savais, dans mon for intérieur, que c’était CA, le monde réel.

Ma poitrine se mit à palpiter avec rage, désespoir.

 

 

 

01/04/2006.

 

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Style : Nouvelle | Par Patricia Laranco | Voir tous ses textes | Visite : 286

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