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La Vérité. par Patricia Laranco

La Vérité.

Un jour, dans la rue, j'ai croisé la Vérité.
Elle était toute nue, comme à son habitude.
Je l'ai apostrophé : "tu n'as pas honte, dis ?
Se promener ainsi, nue, sur la voie publique !"
Franchement, j'étais très choqué : est-ce que ça se fait ?
Comme elle attirait de plus en plus les badauds, j'ôtai prestement mon manteau et le lui jetai dessus.
"Couvres-toi ! Tu commets un attentat aux moeurs. Et par dessus le marché, tu grelottes comme une feuille !"
Cette Vérité qui grelottait, c'était pitié.
Pourtant, d'un coup d'épaule, elle s'appliqua de suite à faire tomber le manteau dont je l'avais recouverte.
Hargneusement, elle me cracha : "on ne me la fait pas ! Figures-toi que, moi, je suis la Vérité vraie !
La Vérité sans fards, sans art et sans fardeau !
Aurais-tu peur de la vérité, vil manant ?"
Là, je fus troublé, je rougis jusqu'aux oreilles. Je me mis à éructer :
"Peur de la Vérité, moi ? Mais de quoi tu m'accuse ?"
J'ajoutai, le regard plein d'éclairs : "jamais je ne mens !"
- Ah non ? C'est simplement ton manteau qui ment tôt ?
Pour le coup, j'écarquillai les yeux:
- Mon manteau ? Que veux-tu dire ? Pour quelles raisons mon manteau mentirait-il ?
C'est un bon et fidèle manteau qui ne me quitte jamais. Il me tient chaud, me protège des intempéries !
Je t'interdis de dire du mal de mon manteau. Tu l'as jeté dans le caniveau, tu l'as souillé !
La Vérité éclata d'un rire grinçant. Aussi grinçant que le bruit d'un porte aux gonds mal huilés.
- Ton manteau t'est fidèle...peut-être...mais pas toi ! Regardes comme tu t'en est vite débarrassé. Tu me l'as jeté dessus pour me recouvrir...moi qui n'avais strictement rien demandé ! Et puis, le voilà maintenant dans le caniveau...Tu mens à ton manteau, tu mens à ta maman, tu mens à ton amante et tu te mens dûment ! Si tu veux bien, je vais t'en administrer la preuve. Aurais-tu, par hasard, sur toi quelque petit miroir ?
- Miroir ? Non...bredouillai-je, interdit au possible.
- Tant pis...puis elle me désigna une proche vitrine. Au même moment, elle me saisissait par le bras et me faisait pivoter, pour que nous nous en approchions. "Cela fera bien l'affaire !" marmonna-t-elle.
Nous fûmes confrontés à nos deux reflets dans le verre assez sombre. Et là, horreur ! Je vis d'abord que la Vérité, laquelle me tenait toujours fermement le bras, était désormais couverte de fringues. Des vêtements tous plus élégants et bien agencés les uns que les autres, qui faisaient désormais d'elle une créature splendide, rayonnante à la façon des stars d'Hollywood.
Puis, de suite après, mon regard glissa vers ma propre sihouette : j'eus alors le pire des chocs car moi, j'étais totalement nu, et qui plus est privé de visage : plus d'yeux, plus de nez, plus de bouche, plus de traits, plus aucune expression ! En leur lieu et place, un simple contour ovale, autour d'une surface plate parfaitement vide, lisse. Aussi vide, lisse qu'une patinoire ou un miroir qui ne refléte rien.

 

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Style : Nouvelle | Par Patricia Laranco | Voir tous ses textes | Visite : 299

Coup de cœur : 9 / Technique : 7

Commentaires :

pseudo : Karoloth

Splendide! Quelle histoire! Chapeau bas Patricia.

pseudo : lylooe

J'ai adoré, merci beaucoup !