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Le vieil homme par Nether

Le vieil homme

J'avais cette impression étrange depuis plusieurs jours, d'être surveillé, le sentiment d'avoir des yeux posés sur moi en permanence et ça me mettait mal à l'aise. Une impression diffuse qui s'était considérablement accrue depuis que j'avais pénétré dans cette immense tour où on m'avait fixé rendez-vous.

Mon éditeur m'avait contacté deux jours plus tôt pour me commander une "oeuvre" , il n'avait pas donné plus de détails, j'avais essayé de le cuisiner, en vain. J'avais uniquement pu déceler une grande excitation dans sa voix, et son empressement à me voir accepter. Il avait déjà tout préparé, les billets d'avion pour Shanghai, une suite dans l'un des meilleurs hôtels de la ville... pour engager de tels frais il devait au moins connaître l'identité du commanditaire. Mais il m'assurait ne rien savoir et finalement, pour moi qui avait rarement dépassé les frontières de mon petit pays, un voyage gratuit à l'autre bout du monde ne se refusait pas.


Je m'étais annoncé au poste de garde, ce dernier me fixa un instant sans rien dire puis m'indiqua d'un geste de la tête un siège pour patienter, avant de s'absorber à nouveau devant les écrans de contrôle. Je pris mon mal en patience. Trente minutes passèrent, je m'attendais à tout moment à voir quelqu'un venir à ma rencontre, s'excuser de m'avoir fait attendre et me proposer de le suivre. Mais rien n'arrivait et mon anxiété allait grandissant à chaque seconde qui s'écoulait. Je ne suis pas un habitué des esclandres mais je déteste rester dans l'expectative, j'allai donc quitter mon siège pour presser le garde d'accélérer un peu les choses. C'est à ce moment précis qu'il se retourna vers moi, coupant mon élan, il m'indiqua les ascenseurs :

"93ème étage"

Je me levai, pas aussi assuré que je l'aurais voulu, l'ambiance était oppressante mais je n'arrivai pas à mettre le doigt sur ce qui me mettait mal à l'aise. En traversant le hall je remarquai enfin ce qui m'avait complètement échappé jusqu'à présent : le garde mis à part, le bâtiment semblait totalement vide, personne n'était entré, ni sorti depuis mon arrivée. Et les ascenseurs, au nombre de huit, étaient tous au rez de chaussée, en attente. L'envie de tourner les talons et de m'enfuir en courant passa fugitivement dans mon esprit, une sorte de peur instinctive, mais la curiosité repris instantanément le dessus. Il aurait été stupide d'avoir traversé la moitié de la planète pour partir maintenant, aussi étrange que puissent paraître les circonstances et les événements. Le tableau de commande s'illumina tandis que je pénétrai dans l'un des ascenseurs, l'étage était déjà sélectionné, les portes se fermèrent et une douce musique se fit entendre alors que la cabine commençait sa longue ascension.

Les étages défilaient et la pression s'accentuait progressivement, très vite je me senti perdre pied, plus je montais et plus le temps semblait s'étirer. Une peur panique m'avait envahi, la sensation que ma vie allait s'achever dès que les portes s'ouvriraient sur le 93ème étage fatidique. La pression devenait de plus en plus insoutenable, je crû un instant avoir basculé dans la folie, sans pouvoir m'expliquer ce qui m'arrivait, j'étais au-delà de ça, écrasé par une force invisible qui retournait mon esprit en tout sens, mettait mon âme à nue, écorchait ma conscience.

La cabine s'ouvrit enfin, je titubai, m'écroulai sur une épaisse moquette rouge sombre, mon déjeuner se frayant un chemin de mon estomac à ma gorge pour finir par s'écouler le long de ma joue. A seulement quelques mètres de là, j'aperçus un homme, comme à travers un brouillard, il était âgé, très âgé, son corps décharné semblait s'affaisser mais il irradiait une puissance incommensurable. Je sus immédiatement que cet homme était la source de mes maux et c'est à cet instant précis qu'il se tourna vers moi. Il me transperça de ses yeux bleus pâles, me clouant définitivement sur place. Si je pensai être allé au bout de mes souffrances je découvris tout à coup un nouveau monde de douleur. Les mots déferlèrent dans mon esprit, oblitérant toute forme de pensée :

"Eh bien, il semblerait que j'étais un peu trop absorbé par mes affaires. Je vous avais oublié ! N'ayez crainte jeune homme, tout va rentrer dans l'ordre. Maintenant vous devriez vous reposer..."

Je sombrai instantanément dans l'inconscience.

 

 

A suivre...

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Coup de cœur : 10 / Technique : 8

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