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- Je t'aime, parce que je n'ai pas le choix.

En entendant cette réplique, elle se leva consternée ma fixa dans les yeux longement, et quitta ma maison me laissant seul avec mon verre de whiskey. En fait est-ce que j'avais dit quelque chose qui pourrait blesser cette jolie et amoureuse bout de femme ? Il semblerait que la phrase que j'ai prononcée soit maladroite, car quand on aime vraiment, on n'aime pas sous la contrainte.

L'amour est l'acte de liberté par excellence. Du moins, c'est ce que laisse entendre une bonne tradition philosophique et littéraire. Personne n'a jamais aimé sous la contrainte. Un tyran peut forcer sa belle princesse de fille à se marier avec un fanfaron et cupide archiduc pour des raisons stratégiques, géopolitiques, socioculturelles etc. et par-là mettre fin à une idylle amoureuse avec un artiste bohémien au sang douteux, mais il ne peut pas la forcer à aimer son futur époux. Bref, les exemples mythologiques et shakespeariens sont illimités depuis Sophocle jusqu'à Garcia Marquez. Mais aimer quelqu'un parce notre amour dépend d'une raison quelconque serait contraire à l'amour.   

Ainsi, dire à quelqu'un, que l'on aime parce qu'on n'a pas le choix, revient à dire quelque part, que l'on aime d'une manière moindre, d'une manière moins passionnée bref d'une manière plus réfléchie...

Il est vrai qu'on a souvent distingué d'une manière instinctive entre l'amour et la raison, le cœur et l'entendement, le subjectif et l'objectif, le poétique et le rationnel ... L'amour - le vrai - et la raison - la vraie - seraient pense t-on en perpétuel conflit.

- Je t'aime parce que je n'ai pas le choix.

Elle ne savait pas que cette phrase constitue une véritable déclaration d'amour. La seule déclaration d'amour. L'unique déclaration d'amour. Comment cela est-il possible ?

J'aurais aimé dire à cette femme qui m'a laissé seul, que rien n'est plus grand que l'amour devant lequel la raison capitule. Rien n'est plus grand que l'amour qui va vers la raison en lui disant : « raison, je me suis imposé, parce que je suis la vérité. Et toi raison, n'es-tu pas en quête de vérité ? Je suis là devant toi plus vraie que la vérité même, accepte moi en tant que nécessité pourqu'on deviennent une seule et même âme ... »

Ainsi, l'amour serait plus vrai que la vérité même ! Absolument! La vérité, c'est-à-dire la vérité scientifique, n'a besoin que de raison pour être vérité. La raison découvre la vérité scientifique elle ne le créée pas. L'amour, quant à lui, - c'est-à-dire l'amour vrai - est l'amour qui se confirme et par lui-même et par la raison. Une double vérité donc. C'est la raison qui découvre l'amour en l'amour, c'est l'amour qui découvre la raison et par-là s'auto-crée lui-même. L'amour devient raisonnable, la raison amoureuse. On n'a plus le choix, on ne peut sortir de cette tribologie merveilleuse.  

Je t'aime, parce que je n'ai plus le choix. Je t'aime parce que mon amour et ma raison ont surmonté ce hiatus épistémologique pour s'éclater dans une dialectique ontologique dans laquelle ils se confondent, se complètent... dansent une valse interminable !

Dire qu'on n'a pas le choix lorsque 2+2 = 4, c'est rendre hommage et à l'arithmétique et à la raison qui a découvert cette arithmétique. Dire qu'on aime parce qu'on n' pas le choix, c'est rendre hommage à l'amour...et à la raison qui a découvert cet amour.