Publier vos poèmes, nouvelles, histoires, pensées sur Mytexte

Petits Plaisirs Posthumes/Ch. 7 par yolli

Petits Plaisirs Posthumes/Ch. 7

POM POM POM 7- L'enterrement de Colibri

 

 Il y eut un monde fou à l’enterrement de Colibri.

Le froid, la pluie, la tristesse grise et morne d’un novembre.

Sous un ciel en couvercle, en route vers le tombeau, deux cortèges longs et noirs, lents et silencieux s’étaient rencontré, croisé, mêlé; un venu de la gauche s’intercalait entre les voitures de l’autre qui continuaient d’avancer droit devant. Une sur deux s’arrêtait et laissait passer une, deux voitures venant de la gauche, et le cortège s’allongeant, ils cheminèrent ensemble pour des âmes différentes.

Tout sembla grave et pendant quelque féerique instant, on entendit le glissement calfeutré des roues sur le bitume moquetté, tous moteurs off. En libre. Le cortège principal se dota d’amis tant ignorés qu’inattendus et POM-POM-POM sourit à la place de Colibri, car sûrement c’est ce qu’elle était en train de faire si elle voyait la scène du dessus. Ceux qui étaient venus de la gauche, allant droit avec les autres, durent ensuite prendre à droite. Comme un ballet bien réglé, bien répété, un, deux véhicules sur deux, trois, virèrent perpendiculairement dans une rythmique implacablement solennelle, du bout des roues. Ils ne se rendaient pas au même cimetière. Certains, trop émus sans doute, ne comprirent leur méprise qu’un peu trop tard et ravalant leurs larmes pour une autre peine rebroussèrent chemin.

 

N’empêche qu’il y eut un monde fou à l’enterrement, des voisins, des amis, toute l’histoire de Colibri écrite sur des visages chéris. Son professeur de géographie dont elle amusait parfois les petits, son amie douce et rousse, l’amie brune, le dentiste même qui l’avait tant fait souffrir...

On entendait des sniffs et des murmures. D’aucuns semblaient de marbre comme sans émotion. Tous avaient l'air si forts, comme familiers d'avec la mort, la fin de tout, de cette chose encore inconcevable pour POM-POM-POM...

Unis tels une seule corde, le veuf-frère et les cinq veuves-sœurs sont pâles d’amputation, vague rappel d’une fracture plus ancienne. POM-POM-POM toute de rouge vêtue ne vit pas la cérémonie. Elle eut lieu pourtant !

Elle réagit seulement à la suspension du cercueil au-dessus d’un abîme de terre fraîchement remuée :

C’était hors de question !!! Elle n’allait pas les laisser enterrer sa Colibri, la rayer de la carte des vivants, ça ne pouvait pas être maintenant, elle n’était pas encore morte, enfin tout juste, c’était trop tôt, trop cruel, tout peut-être pouvait changer, devenir réversible, il n’y avait pas de preuve que ce soit impossible et surtout ça restait inexplicablement compréhensible à n’importe quelle intelligence...Tout ça serait une vache farce qu’elle leur aurait jouée à tous et elle s’allait réveillée et ils riraient...comment qu’ils avaient eu peur...Mais personne ne semblait émettre le moindre doute et ils s’accordaient tacitement sur le lieu de son dernier sommeil.

- « Colibri, arrête maintenant tout ce cirque et reviens, empêche-les avant qu’il ne soit trop tard, après ça il n’y aura plus moyen de te sortir de là, je t’en prie, crie, hurle, pleure, fais quelque chose.... » s’ époumona POM-POM-POM de toute la puissance de sa détresse vocale comme si elle s’adressait à quelqu’un qui serait déjà trop loin. Elle déchira littéralement les tympans de tout le cimetière, c’en était presque indécent. Son père en fut accablé.

Une immense solitude s’abattit sur POM-POM-POM...

Son grand frère l’accompagna à la voiture où elle put relaxer la tétanie de ses muscles, le tremblement de ses membres, la vibration de ses nerfs, son mal au crâne empira d’un cran...

 

Au crépuscule, tous réunis dans la grande cuisine, ensemble et séparés, qui sur le sol, dans un coin, debout, assis, couché même, qui sur une chaise, jambes pendantes, coudes sous le menton, têtes dodelinantes vivant leur premier vrai drame éperdues de souvenir, rêvassaient entre les chandelles rouges convoquant la mémoire à l’énormité croissante de sa tâche.

 

"Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur est interdite"

Style : Nouvelle | Par yolli | Voir tous ses textes | Visite : 631

Coup de cœur : 7 / Technique : 8

Commentaires :