Quand je repense à cette discussion, j'en ai encore la gerbe.

Deux semaines plus tard je suis dans un pavillon en banlieue de Montpellier. Piscine. Petit jacuzzi et grande terrasse. Le repas du premier soir se passe bien. Je crois que « Marlène » comprend mon angoisse ou voit au moins mon malaise. Elle est extrêmement douce, sympathique et attentionnée toute la soirée. Elle ne joue pas du tout son rôle de vamp du X, riant en live de son propre numéro de séductrice. Elle m'écoute et nous parlons assez peu de l'industrie du X comme c'est normalement de coutume à une tablée de hardeurs. On monte se coucher de bonne heure. Première scène de salon le lendemain. Il ne fait pas très beau. La scène est hyper classique. Longue pipe. Levrette. Anale. Anale retournée. Couché. Ejac' faciale. C'est à croire qu'il ne nous fait jouer cette scène que pour nous laisser le temps de trouver nos marques, de nous connaître. Il ne pourra jamais garder cette scène au montage. Je le prends comme une bonne intention pour occuper un jour de pluie. Lui permettre de gagner du temps après. Une répétition quoi. Le soir, le repas est plus débridé. Je suis complètement détendu. Tout le monde boit un peu. Et je monte avec Marlène. Nous passons une super nuit. Très tendre. Nous faisons l'amour trois fois. Nous nous réveillons même enlacés, moi en pleine forme et nous décidons en vrai pro, de garder cette belle érection pour tout à l'heure. Il se peut que j'en ai bien besoin.

Bref. Deux jours plus tard, tout le monde est autour de la piscine pour la fameuse scène de la piscine. Ca commence. C'est une très belle scène. Un peu physique, mais sans abus de pénétration comme c'est souvent le cas pour les scènes de fin. Anne-Marie (c'est son vrai nom) et moi sommes très contents de finir le tournage là-dessus et pour tout dire, nous avons un peu répété la nuit dernière. Seulement, un problème technique nous fait perdre un peu de temps. La capote se gonfle d'eau et l'eau et le lubrifiant du préservatif font mauvais ménage. Au bout d'une heure, Marlène vient me voir et me dit qu'on pourrait peut-être l'enlever cette capote. De toute façon, j'allais te le demander ce soir. Je voulais te faire la surprise. Le sida c'est du chiqué. Pour la promo. J'allais te le dire ce soir mon chéri. On n'a qu'à l'enlever un peu plus tôt. Viens par ici mon chéri. Complètement subjugué, je statistiquais à toute allure. J'accordais un bon soixante-dix pour cent de chance à l'option « elle me dit la vérité ». Sinon, et dans le pire des cas : une contamination pour quatre-vingt rapports. Ca fait vraiment peu de chances. Pendant ce temps, le réal explique qu'il va falloir rajouter deux trois lignes de texte pour expliquer ça et jouer la carte « amour fou » / « la capote on s'en fout parce qu'on s'aime ». Je ne trouve pas cela très pédagogique comme scénario mais bon, je ne tourne pas dans des films pour l'Education Nationale. De toute façon, elle dit la vérité. C'est sûr.

De toute façon, elle disait la vérité. C'était sûr.

Mon avocat n'a rien pu faire. Le contrat était rédigé n'importe comment et le procès a été expédié en quatre semaines. TTC. Le film a été un énorme succès. Vous en avez sûrement entendu parler, Marlène enlève tout. Anne-Marie est ravie. Ca a complètement relancé sa carrière et les films « séropositifs » sont définitivement la tendance de l'année. Ils m'ont recontacté pour tourner la suite. Une version complètement non-protégée. De toute façon, maintenant, hein ?