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le paignoire et la petite chaussette par aelina

le paignoire et la petite chaussette

Chers membres du jury,

 

Bonjour, bonsoir, tout dépend de l’heure à laquelle vous lirez ma lettre.

Je vous écris car je ne sais pas à qui le raconter. Chez nous, Dieu il est jamais né, le président on n’y croit pas, et le père noël …un peu trop bavard car vous savez comme dit Bernard Hallier, illustre inconnu à ma connaissance, les scandales sont comme les trous aux chaussettes.  On ne s’en inquiète pas tant que l’on est le seul à les connaître.

 

C’est en ce moment encore, et pour quelques jour la période de noël. Aussi moi le peignoir oublié sous le lit à gauche (mon coté préféré) vais vous racontez afin d’amorcer mon histoire comment mon propriétaire de 5 ans, Bastien était heureux lorsqu’il eut tout ces jouets : train électrique, voiture de collection, et même poupon, ses parents n’étant pas pour la guerre des sexes.

Grace à cela il m’a complètement oublié sous le lit et ca depuis un bon mois. Et vous rendez vous compte ?  Voilà que je rencontre une adorable petite chaussette délaissée elle aussi, célibataire, donc doublement délaissée comme moi. Bon je n’irai pas jusqu'à dire qu’il s’agissait d’une chaussette orpheline, le terme est un peu fort pour une chaussette qui a perdu son double, vous ne trouvez pas ? Mais  pour vous dire en un mois, nous avons eu le temps de faire la conversation. Donc après que nous nous soyons parlés, après que nous ayons échangés (très important l’échange entre deux êtres) nos habitudes de vie, notre train-train quotidien, mon horreur de la machine à laver et son adoration pour les odeurs. Petit à petit au fils des jours, des nuits, et s’accrochant à celui  qui dépasse de ma couture la petite chaussette est montée jusqu'à l’endroit le plus chaud, le cœur et là j’ai pu sentir les battements de son propre cœur battre à l’unisson contre le mien.

 

Cependant un matin alors que je m’éveillais avec délice à son souvenir, plus de petite chaussette ! Il ne restait que quelques moutons de poussière comme vestige de notre union. Je cherchais partout ma chaussette du regard mais je ne vis que la géante accompagnée de cinq doigts, qui m’empoigna du bout de ceux-ci,  et me jetèrent direct dans la machine à laver, sans passer par la case panier à linge ne gagner pas les 20 000 odeurs suaves qui auraient tant ravies ma chaussette. Bref  le temps que je sois trempé, tordu, tourné, retourné, détourné, toutes mes pensées, les seuls encore claires quoique un peu affolées, dans cette eau gris poussière, allait vers ma petite chaussette. Je pensais : ma tendre, ma gazelle enragée, j'espère que tu vas bien, que tu n’as pas changé. Dans notre monde galopant, tu as toujours cette personnalité  mi  femme, mi enfant. Moi je pense à toi, toi que je ne vois pas. Je t’aime comme un dingue, un possédé, je crève le manque comme un camé. Folie de toi, folie encore. Je te donnerai tout au delà de ma mort. Actuellement comment va ta vie ? Moi, grâce à toi, je grandis. Putain je me souviens, je n’ai vécu ces moments que pour toi, pour tes sourires. Quel est ce poignard d’absence qui déchire ? Un regard de toi et je m’envolais vers ce ciel qui dis moi pourquoi nous à t-il fait nous croiser si c’est pour nous  éloigner. Toi qui avait si peur de ses colères est ce lui qui t’a demandé de me saigner. Quand aujourd’hui l’amour pour tant d’autres n’est plus qu’un va et vient. Qu’ais je fais pour mériter ce destin ?

 

Enfin séché on me range et du haut de mon porte manteau je vois la scène. Ma petite chaussette batifolant avec une autre chaussette. Quelqu'un de son espèce, mauvais point pour moi. Je sens la colère monter. Quand elle s’apperçoit de mon retour, elle reste un moment sans savoir que faire. Puis les larmes aux yeux s’approche de moi et commence son discours. Je n’en saisis que quelques mots :… je t’aime mais je l’aime aussi….Un an que l’autre chaussette et moi nous nous connaissons… (Et moi qui pensais que nous faisions la paire quel imbécile). Je ne l’écoute qu’a moitié, toutes ma pensée étant sur comment garder mon calme légendaire, que lui dire ? Je suis paumé. Je pose néanmoins quelques questions :

«  L’autre chaussette est telle au courant de la situation ? »

«  Non » me répondit elle. « Elle ne comprendrait pas. »

« Mais pour quoi as-tu besoin de moi si tu vis déjà une histoire d’amour avec elle ? »

«  Car cette autre chaussette est, et malgré tout mes efforts, frigide et j’ai besoin de chaleur. » « Alors ce n’est qu’une histoire de sexe entre nous ? »

« Ca aurait pu, mais ta façon de parler, ton analyse des différentes situations, ta facon d’être toi, sans que je le veuille ont été jusqu'à mon cœur et l’ont emprisonné. »

 

Elle me laisse. Instant de réflexion. Croit-elle qu’elle va me retourner comme une de ces congénères ? Je fulmine .Puis je regarde par la fenêtre, je vois les arbres, j'imagine les feuilles qui naissent au printemps, qui resplendissent en été, et commencent à mourir en automne. Accrochées à leurs arbres, dépendantes. Qu’ont-elles vues ? Qu’ont-elles vécues ?éprouvées, ressenties, aimées ? Quand je finirais au paradis des peignoirs usagés devrais je me contenter des souvenirs d’une vie que je n’ai pas osée ?

 

Deux jours après mon cœur parlait : je l’aimais, j’acceptais son choix  de m’aimer moi et son amie chaussette. Même si nous nous voyons très souvent, j’ai mal au quotidien .Lorsque je sais que chaussette n’est pas loin ou que chaussette lui offre ceci ou qu’elle part en Martinique avec Bastien et…chaussette. On n’emmène pas un peignoir pour les vacances, trop gros, trop encombrant, pas pratique. Juste douillet comme il le faut lorsque l’on revient à la maison. Comme il aurait souhaité partir faire le tour du monde avec sa chaussette…

 

Mais comment puis-je endurer cela ? Chers membres du jury, comment puis je me confondre en amour pour elle ? Ne savons nous pas tous, vous, elle et moi que l’amour ne se vit pas à moitié et rien de plus ?

 

 

Chers membre du jury,

 

Je continue ma missive, car le temps, ce grand ascète infatigable passe sans trépasser. J’aime toujours ma petite chaussette mais d’une manière différente. Je refuse d’avoir les deux pieds dans la même chaussette. J’apprends à mettre à distance mes sentiments, à relativiser notre situation, à penser concrètement, à ne plus me laisser envahir par mes sentiments. Bref je lève le pied par rapport à ma chaussette. Si je jouais à Mme Irma, je lui dirais que sur le plan amoureux son avenir me parait bien incertain. En ne faisant pas de choix, elle prolonge une situation délicate pour ses deux partenaires.

Je me cherche aussi une autre copine qui accepterait ma liaison avec ma petite chaussette que je ne souhaite pas quitter. Pas facile mais je m’y emploie. Pour celle que j’appelle dans mon fort intérieur, mon âme sœur, je ne souhaite que le bonheur comme elle veut le mien, elle accepte ma recherche d’une autre amie. Ame sœur d’après lexicos : personne qui a de profondes affinités, de goûts, de sentiments, avec une autre personne (particulièrement du sexe opposé) qui est faîte pour s’entendre, pour vivre en harmonie avec elle.

Voila je crois que tout est dit dans cette définition et si j’écris ces mots avec l’encre de ma peine, malgré le bonheur que je ressens lorsqu’elle est à mes cotés, c’est que je sais que jamais nous ne pourrons  être ensemble réellement. Elle aime l’autre chaussette et d’une. Et de deux un peignoir et une chaussette sont différents par nature que viendraient-ils faire côte à côte ? La chaussette est libre, voyageuse, aimant prendre son pied dans toutes situations. Tandis que le peignoir est et restera un peu routinier, un peu casanier, un peu sans gout meme, peut être. Très moelleux mais encombrant, doux et confortable mais sans oublier pataud et ronchon, même  si j’aime rire et les soirées au coin du feu à faire l’amour ou tricoter (j’ai l’esprit ouvert) je reste un solitaire. Je n’aimerai pas être enfermé dans ce tiroir ou petite chaussette et ses amies passent leur temps à rire tout en se tirant dans les pattes pour se mettre en première ligne afin que la mère de Bastien les prennent plus souvent. Je les entends  tard dans la nuit, alors que du haut de mon porte manteau, j’observe la chambre baignant souvent dans la lueur blanchâtre de la lune que les rideaux n’arrivent pas à dissimuler. Penseur des ténèbres, actifs dès le matin lorsqu’il faut essuyer jusqu'à la dernière trace d’eau, je ne vivais jusque la que pour l’amour de mon métier. Tu arrives et m’ouvre à la beauté de cette conscience qu’est l’amour. Je deviens essuyeur de plâtre actuellement. Je rêve je crève, je sens, je ne me mens.

 

Salut la compagnie,

 

C’est moi la petite chaussette de mon grand benêt de peignoir que j’aime.

 

J’ai appris qu’il vous écrivait, je me lance donc dans l’aventure. Je voudrais faire valoir mon point de vue. Je n’aimerais pas que vous me consideriez comme une de ces salopettes, qui ont de drôles de mœurs et que je ne suis pas.

 

Oui c’est vrai, lorsque j’ai rencontré mon peignoir j’ai dit être célibataire. Je men suis repentie et il a accepté car il m’aime. Mais m’aime-t-il comme je l’aime ? Je ne sais pas, pour moi,

 

l’amour va et vient et le temps passe et passera toujours. Comment mon amour/ notre amour  va t’il perdurer ? Après tout, autant combler le vide qui nous manque tous les deux, non ?

 

Cela peut vous sembler injuste par rapport à la manière dont m’aime mon peignoir, mais je suis peut être juste plus réaliste. Par exemple je ne crois pas que ce soit une bonne idée qu’il cherche une relation en supplément de la nôtre, il n’aura jamais sa véritable histoire d’amour qu’il mérite ainsi. Mais je ne m’affole pas le temps encore et toujours lui, fera son œuvre. Il me laissera, je serais triste. Plus de batifolage, plus de plaisir, plus cette complicité même peut être, mais ce sera mieux pour lui.

 

Mais savez-vous comme c’est dur de ne pouvoir aimer physiquement la personne que l’on aime cœur battant. Savez vous comment c’est terrible de se dire que son amour pour moi n’est peut –être qu’une illusion. Je l’aime cette chaussette même si je sais notre histoire sans issue. Elle, l’autre chaussette, ma moitié, ne souhaite pas consulter, ni même en parler, la honte peut être ou la somme des pourquoi la hante sans qu’elle ne veuille connaître la réponse de peur de s’effilocher.

 

Chers membres du jury

 

C’est de nouveau moi le peignoir. Je crois que j’ai compris, je vais la laisser à ses propres aventures, nous sommes encore très complices et ça me fait mal mais c’est mieux ainsi. Merci d’avoir prêté une oreille attentive à ma complainte. Faîtes une bonne route, à cœur vaillant rien d’impossible. Bisous

 

Bastien a 10 ans, depuis longtemps sa mère a fait le ménage de sa chambre avec lui. Ensemble ils ont mis ses vêtements dans des cartons, les chaussettes avec les chaussettes, le peignoir avec les affaires de piscine usagées… tout est stocké. Un jour la maman de Bastien décide de tout donner à une association caritative. Quelle bonne action  car les vêtements iront pour quelques sous à des personnes nécessiteuses. Un promeneur qui passait par là, un artiste, vit le peignoir fatigué, le prit et en cherchant bien dans le carton a chaussettes, découvrit une paire de chaussette de laine, il prit celle qui avait selon lui encore l’étincelle de vie. Arrivé chez lui, il découpa le peignoir et accrocha les morceaux de tissus sur une toile puis il colla la chaussette .Le lendemain prit ses toiles et partit faire une tournée dans toute l’Europe. Souvent le soir alors qu’il conduisait son camion. Il lui semblait entendre de doux mots d’amour échangés à voix basse, comme il était un peu schizophrène il souriait et il  n’envisagea jamais de vendre la pièce d’art d'où venait les voix, cela aurait été selon lui un mauvais présage. Ainsi notre peignoir et sa petite chaussette, comme vous l’avez deviné visitèrent le monde comme il l’avait si souvent souhaité et elle apprit que l’amour pouvait tenir au-delà du temps de leur première vie d’ustensiles et s’épanouir dans une renaissance.

 

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