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UN MONDE ABSURDE (Quatrième partie) par GILLES

UN MONDE ABSURDE (Quatrième partie)

(...)           C’est elle qui versait le premier sang en m’expédiant sans crier gare une volée de « missiles-insultes » au phosphore qui m’explosèrent en pleine figure. Je reçu du « parasite », « j’en foutre », « sangsue », « inutile » et « cinquième roue du carrosse ». Rampant péniblement sous le feu nourri de l’ennemie je m’extirpais néanmoins de l’embuscade en répliquant instinctivement, au jugé, par une rafale crépitante de « voleurs », « escrocs », « malfaiteurs » « usuriers », et « vampires aux dents longues ». Piquée au vif et voulant annihiler totalement cette poche de résistance incongrue, elle fit donner l’artillerie lourde.

          Les obus de 75 commencèrent à pleuvoir sur mon QG de campagne, faisant voler poussière et débris tout autour de moi dans un vacarme assourdissant. Je vacillais mais je tins bon et je contre-attaquais en adoptant pour ma part la tactique de la « guérilla urbaine » qui a fit ses preuves à Sarajevo et plus récemment à Bagdad ou à Bassora. Mes Moudjahidins, agissants par petits groupes mobiles et imprévisibles, attendaient patiemment le bon moment pour frapper avec le plus d’efficacité avant de disparaître en se fondant parmi les civils. A chaque accalmie, quand la diablesse respirait pour recharger et laisser refroidir les fûts de ses canons à connerie, mes commandos plaçaient sournoisement leurs charges de Semtex et de C4 qui lui pétaient dans le dos, rendant la bête folle de rage.
           Nous étions maintenant debout, face à face et le vacarme de la bataille avait du passer par-dessus les collines de placoplâtre qui nous entouraient pour arriver jusqu’au hall et aux guichets car quelqu’un frappa à la porte. Je me crus perdu un instant… Si des renforts aéroportés venaient soutenir mon assaillante, mon affaire était faite. Et puis de toute façon, je ne me sentais pas de taille à tenir tête à un vigile adepte des Art Martiaux et du Taser, secondé dans sa tache par un Rottweiller enragé.
           Ma « banquière-GI » fit les yeux ronds en plaquant son index sur sa bouche. Le silence se fit. Plus rien ne bougeait. Seule une odeur de poudre et de cordite planait encore dans la pièce. On frappa à nouveau, avec insistance cette fois ci… Elle me fit un signe pour me signifier de retourner m’asseoir. Ce que je fis. Elle ajusta un peu son chemisier, retoucha légèrement ses cheveux, puis alla ouvrir.
           De l’autre côté de la porte se tenait non pas un vigile mais un grand con à moustache. Ce qui, me direz vous, n’est pas antinomique. On a déjà vu des vigiles grands, l’air con, portant moustache ou bouc, mais je compris immédiatement que celui là n’appartenait pas à la corporation à cause sa coupe de cheveux. En effet il était affublé d’une sorte de brushing grotesque et d’une mèche tombante, sortis tout droit de la série « La croisière s’amuse » ce qui n’était pas concevable pour un vigile qui aurait de fait perdu toute crédibilité pour faire régner l’ordre. Prenant l’air de celui qui s’enquiert du bien être de ses collègues, il demanda si tout allait bien. Manque de bol, dame nature, qui est parfois cruelle, avait mis dans son berceau en guise de cadeau de bienvenue dans la société des hommes, un brushing, une moustache, un air con et… un défaut de langue ! Si bien que son « Ca va Christine ? Tout se passe bien ? » se mua en « Fava Chriftine ? Touffe paffe bien ?».
           Je fus immédiatement submergé souterrainement par un fou rire puissant, silencieux et intérieur, telle une explosion nucléaire sous l’Atoll de Mururoa. Je pus contenir la bouffée au prix que des larmes montèrent jusqu’à mes yeux. « Chriftine » la banquière lui répondit que tout allait bien. Il insistât : « Fur… ? », emportée par la vague du mimétisme qui nous emmène à coup sûr à bégayer nous même lorsque l’on discute avec un bègue, elle lui répondit : « Fur ! Enfin je veux dire... Sûr! ». A ce rythme là, je n’allais pas tenir encore très longtemps… Il glissa son brushing, sa mèche et son air con par l’entrebâillement de la porte et me lança un regard des plus mauvais. Je lui répondis par un sourire niais et un double clignement rapide des yeux. Il enchaîna « Non pafque, fi y’à un prob… !» Il ne pu finir sa phrase car la porte venait de claquer sur son nez…

          Madame la banquière revint s’asseoir en face de moi. On se regarda dans un bref silence. Je vis son œil friser, elle vit le mien… Il ne nous en fallait pas plus… Nous éclatâmes de rire de concert, pris tous deux dans une belle tempête qui dura un temps infini… Je sus dès lors qu’une autre partition était en train se jouer dans ce bureau (…)
A suivre…

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Style : Nouvelle | Par GILLES | Voir tous ses textes | Visite : 650

Coup de cœur : 12 / Technique : 9

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