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UN MONDE ABSURDE par GILLES

UN MONDE ABSURDE

          Nous vivons dans un monde absurde. J'en veux pour preuve définitive et absolue le fait que, par exemple, nous accordons une importance inouïe à des choses éphémères et d'une extrême futilité (comme l'argent) alors que nous négligeons avec une persévérance farouche et appliquée les choses cruciales et inéluctables de nos existences (la préparation au jour de notre propre mort).
              Hier encore, convoqué en urgence pour un rendez vous avec ma banquière je ne pu réprimer un éclat de rire sonore lorsqu'elle s'emporta, assez violemment je dois dire, sur le fait que mon compte en banque, déjà gravement atteint d’anémie aggravée, avait plongé une énième fois dans un coma, rouge profond et qu’il était maintenu en vie artificiellement par le mince filet du découvert qui allait se tarir incessamment. Outrée par mon attitude pour le moins légère, inconséquente et immature, (enfin... selon ses propres critères), elle se mit en tête de m'expliquer comment je devais réorienter au plus vite mon existence et mes choix de vie, qui, selon elle, ne correspondaient pas à ce qu'on attendait de moi.
Elle s'évertua, ensuite, à me conseiller de trouver un moyen efficace pour gagner de l'argent et d'y mettre toute mon énergie, tout mon temps, toute ma disponibilité.Pendant son laïus, fort ennuyeux je dois dire, sorte de monologue véhément, pitoyable et assez piètrement interprété, elle trépignait comme une belle diablesse, roulait des yeux, et pointait souvent son index dans ma direction comme pour ajouter du poids à ses arguments chocs.Sa voix monocorde, éraillée car placée trop haut dans la gorge, me faisait vaguement penser au couinement du store vénitien de la fenêtre de mon salon.
             Je baillais aux corneilles à trois reprises à la dérobée, usant de roublardise pour m'exécuter à chaque fois qu'elle avait le dos tourné. Comme elle décela, malgré tout, l’intérêt tout relatif que je portait à son exposé, dont j'étais pourtant le sujet principal, elle monta d'un cran dans le ton employé et voulu m'effrayer en extirpant de son carquois quelques flèches à pointes explosives qu'elle devait utiliser en dernier recours face aux mauvais payeurs chroniques de mon espèce.
            Elle me fit entrevoir, avec un sadisme non dissimulé, preuve d’une grande perversité que je lus dans ses yeux et qui m’excita, les affres de l'interdiction bancaire qui se profilait déjà. Plus de carte de crédit ni de chéquier, avec à la clef tous les désagréments pratiques que cela impliquait... Un vrai calvaire pour payer une facture ou mon loyer. Je pensais dans mon fort intérieur que ça faisait belle lurette que je ne payais plus ni l'une ni l'autre... Mais je me gardais bien d’en faire profiter mon interlocutrice qui m’aurait alors certainement giflé à pleine main... Elle me promis un avenir cauchemardesque si rien ne changeait et finit son réquisitoire au vitriol sur la perspective fort réjouissante que probablement j’allais finir clochard professionnel, devenant ainsi la honte de ma famille et la risée des petits enfants, qui, on le sait sont cruels envers les faibles, les handicapés et les petits animaux inoffensifs (oui parce que devant un tigre, un ours grizzli ou un grand requin blanc là c’est une autre histoire…).
             Persuadée d’avoir touché juste, elle se calma un instant, un sourire de contentement imperceptible rivé aux lèvres, se posa dans son fauteuil appuya son menton sur ses mains jointes, les coudes reposant fermement sur son bureau et me regarda fixement, d’un œil rond et noir. Un œil de Juge d’Instruction. L’instant était grave et le silence qui suivit fut long et pesant. Constatant, à son grand dam, qu’il ne se passait plus rien, elle hocha sèchement la tête dans ma direction, me signifiant ainsi que c’était à moi de parler et… de la convaincre. De quoi… ? Je n’en avais aucune idée mais il fallait que j’arrive à la convaincre quand même…
             Je me redressai un peu, car je m’aperçu que je m’étais considérablement avachi dans mon fauteuil et me raclais la gorge par deux fois afin d’éclaircir ma voix. La première chose que je lui demandais fut si on pouvait fumer dans son bureau. Pour toute réponse elle soupira longuement en roulant des yeux au plafond. Ce que je pris, peut être à tort, pour un refus catégorique. En tout cas dans le doute, je m’abstins. Puis je pris ma plus belle voix pour lui expliquer que j’avais autre chose à faire que de gagner de l’argent. Ca pouvait être un passe-temps, une marotte, un violon d’Ingres tout au plus, mais de là à en remplir toute ma vie et d’en faire un objectif, un but, une priorité… Non vraiment ça n’était pas sérieux… (...)

A suivre...

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Style : Nouvelle | Par GILLES | Voir tous ses textes | Visite : 621

Coup de cœur : 12 / Technique : 9

Commentaires :

pseudo : marty alain

Hello gilles, tres beaux textes et tres bien ecris

pseudo : GILLES

Merci Alain. Très touché. ;-)

pseudo : Ombres et lumières, une vie

Bravo, j'ai envie de savoir la suite, quoique j'aie commencé par la fin (dernier épisode) totalement explosée ! Coup de coeur