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Abelia par alterj

Abelia

          Abelia est le monde merveilleux de la magie des émotions.  Dans ce  monde, lorsqu’une personne ressent quelque-chose avec une très grande intensité, ses envies les plus profondes se libèrent et se réalisent. En bien ou en mal. Mais l’ennui c’est que la plupart du temps, seule la souffrance atteint le niveau d’intensité suffisante pour que les envies soient libérées sous forme de souhait. Par exemple lorsque Kéo  perdit sa femme, il souhaita  mourir dans un tourbillon pour la retrouver dans l’au-delà. Toute sa maison fut alors engloutie par l’eau celle-ci arrivant de toutes parts, à travers de petites fissures dans les murs. Rapidement le niveau de l’eau monta jusqu’au plafond et un tourbillon se forma. Kéo fut emporté et disparut. On ignore toutefois s’il put rejoindre sa femme.

Abelia avait ses règles de fonctionnement. Lorsqu’un « souhait » se réalisait, il ne pouvait concerner que la personne qui le faisait. Ainsi, vous aviez beau en vouloir à quelqu’un, vous n’auriez pas pu vous venger en utilisant la magie des émotions. Cependant si vous aviez souhaité bruler dans un grand incendie au plus profond de vous-même, alors les personnes autour de vous auraient pu être atteintes par les flammes au moment de formuler le souhait. Un souhait pouvait donc toujours concerner une seule personne mais les dommages collatéraux pouvaient en emporter plusieurs.

 

L’espérance de vie sur Abelia n’était pas très grande. Difficile en effet de ne pas éviter la souffrance et de ne pas se faire emporter dans un moment de faiblesse. On racontait que certains groupes de moines pratiquant l’art du stoïcisme pouvaient espérer vivre deux fois plus longtemps. On racontait aussi que Naveen,  Roi d’Abelia était la seule personne à avoir survécu à un souhait de mort.

La plupart des gens pour survivre se conditionnaient à refouler leurs émotions. Ils conditionnaient aussi leurs enfants afin de les protéger. En réalité la magie d’Abelia était vécue comme une malédiction. Rare étant les gens capable de parvenir à réaliser des souhaits positifs. Mais les personnes ayant accomplit cet exploit  une fois dans leur vie était élevé au statut de « Premier Sage ». « Premier », en référence de leur premier succès, espérance d’autres à venir. « Sage » car c’était un exploit de taille qui nécessitait souvent des années de pratiques. Certains pratiquaient le sport, d’autres la méditation, chacun pour développer leur bien être et atteindre leur but. Toujours est-il que ces personnes qui parvenaient à atteindre leur souhait positif étaient reconnaissables facilement à leur peau rougeâtre. Car cette couleur semblait bien être un des effets secondaire de cette magie. Reconnues comme redoutables et importantes, ces personnes étaient très influentes dans les grandes villes d’Abelia.

 

Jonathan perdit son père à l’âge de neuf ans. Ce dernier était pourtant un premier sage. Mais après avoir vécu une longue vie – quarante années- ce dernier finit par être corrompu par son pouvoir. La frustration et l’obsession prenant le pas petit à petit sur la raison, un jour il craqua. Il fit son souhait et disparut. Jonathan ignorait quel fut le souhait en question, mais la mort de son père lui fit comprendre qu’être premier sage ne suffisait pas pour garantir sa survie et il se jura sans le savoir, au plus profond de lui sans son inconscient qu’un jour de faire mieux encore. Il se fit  même  la promesse de devenir le plus grand sage du monde. Rôle qui était tenu alors par Naveen, connu pour être capable de réaliser des souhaits positifs à volonté, et plus fort encore, avoir survécu à un souhait de mort.

Jonathan passa le reste de son enfance et le début de son adolescence à s’intéresser aux sages. A un point qu’il tomba dans la fascination. Malheureusement pour lui, il ne pouvait pas en rencontrer directement et se renseignait à la bibliothèque. Il lisait les nombreux exploits des premiers sages et rêvait un jour d’être capable d’en faire autant.

 Il découvrit que Corian accéda à ce statut lorsqu’il était en mer. Il s’était donné pour but de traverser seul l’océan. Mais à deux jours d’arriver, son voilier perdit son mat. Sous une terrible tempête, le vieux bois craqua et céda. Très vite, il prit l’eau. Corian dut se résigner à se jeter dans la mer en dépit de la fatigue accumulée depuis cette centaine de jours de traversée. Dans l’eau froide et glaciale il regarda la sombre silhouette de son bateau sombrer sous la très faible lueur de la lune. Il remercia sa chance que cela  se produise aussi prêt de sa destination se sentant capable de terminer, ironisa en s’adressant au ciel :

 « Ha ! Ha ! Ha ! Et c’est maintenant que tu t’y prends ? Je peux très bien finir ça à la nage avec mes dernières forces s’il le faut. Cet Océan est à portée de bras, je vais y arriver et je vais me sauver. Je suis encore assez fort, je me suis peut être dépassé et suis sans doute à bout de force mais je peux le faire. Je vais le faire, même si je dois en perdre mes bras et mes jambes, même si je dois épuiser mes muscles au  point qu’ils  se déchirent, j’y arriverai. Deux jours de voile,  plusieurs jours de nage, ce n’est rien du tout ! L’océan est mon allié, ce n’est pas toi le ciel qui rivalisera avec lui. Il va m’aider parce que c’est soit ça, soit ne pas exister. »

Et sous le coup d’une grande volonté, libératrice de plusieurs mois de souffrance,  il se mit alors à  glisser sur l’eau à une vitesse prodigieuse. Sur le ventre, son corps glissait et se dirigeait selon sa volonté sans qu’il n’ait eu besoin de nager. La nuit prenait fin et l’aube se montrait timidement, dans un lever de soleil éblouissant presque aveuglant qui dispersait les ténèbres. Corian associa cette déchirure du matin avec sa propre déchirure intérieure.  Il jubilait de l’instant présent et du souhait accompli et trouva que finalement le ciel représentait bien sa très proche victoire. Il se dirigeait vers son but, son rêve d’enfance. Il appela cette glissade le « vol sur mer » où en effet il s’amusait beaucoup. Il avançait, bras en avant ou bras écartés, faisant de la mousse, des bulles et même des vagues. Il fit des détours, retarda son arrivée, pour s’amuser jusqu’à l’épuisement. Et puis il finit par arriver en douceur sur la plage,  fatigué mais extrêmement serein. Corian avait changé, il était devenu rouge sombre, et sans le savoir un premier sage.

 

A la lecture du témoignage de Corian, Jonathan fut pris d’admiration pour ce dernier. Bien qu’il y ait eu d’autres récits parlant d’autres premiers sages, c’est l’ancien grand voyageur qui le fascina le plus. Jonathan rêvait lui aussi d’accomplir un rêve et de se voir jouir de pouvoirs issus de ses envies les plus profondes. Il savait que seul, la tâche lui serait difficile et hasardeuse. Il se demanda alors s’il ne pouvait pas bénéficier de conseils pour y parvenir et se mit en quête de rencontrer son nouvel héros.

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